Le territoire

Kuujjuaraapik

KUUJJUARAAPIK signifie « petite rivière » [1]. C’est ici que les premiers pasteurs sont venus répandre la parole de Dieu. L’un d’eux en particulier, le révérend W. G. Walton [2], voyait tous les ans de nombreux Inuits, dont il baptisait et nommait les enfants. Moi-même je suis né le 1er janvier 1914 et il m’a baptisé en 1917 ; j’ai toujours mon certificat de baptême même si j’ai soixante-dix-sept ans maintenant.

Le pasteur qui baptisait les bébés leur donnait un nom qallunaat [3], mais les Inuits continuaient à appeler leurs enfants par leurs noms inuits. Le pasteur mariait aussi les couples qui venaient tout juste de se rencontrer et baptisait non seulement les enfants, mais aussi les adultes et les aînés, hommes ou les femmes. Ce n’est que vers les années 1910 ou 1920 que les Inuits ont entendu parler de Dieu et de Jésus [4]. Par la suite, les Inuits de toute la région de la baie d’Hudson viendront à Kuujjuaraapik pour en savoir plus sur la religion. Pendant l’hiver, toute la famille voyageait en qamutik (traîneau à chiens).

Dans les collectivités les plus au nord, les gens âgés attendaient le retour de la famille, qui au printemps allait rapporter du bois pour fabriquer des qajaqs, car il n’y a pas d’arbres dans ces régions.

En ce temps-là, Kuujjuaraapik était un village très important, où vivaient des Qallunaats et un prêtre. Il y avait aussi un poste de traite, le premier sur toute la côte de la baie d’Hudson. Il y avait aussi des Indiens.

Aujourd’hui, Kuujjuaraapik n’est plus la principale collectivité de la région de la baie d’Hudson, car une bonne partie de sa population inuite s’est relogée à Umiujaq. La population blanche de Kuujjuaraapik est la plus importante sur la côte de la baie d’Hudson.

Texte par Taamusi Qumaq (1992)

[1] Se traduit aussi par « rivière étroite au courant fort »

[2] Né en 1869 à Birmingham au Royaume-Uni, William Gladstone Walton a la révélation de sa vocation à 18 ans. Séduit par l’appel des missions nordiques au Canada, il arrive à Fort George en 1892. Il voyage six mois par an, se déplaçant en canot pour visiter les Indiens en été, et en traîneau à chiens pour se rendre chez les Inuits en hiver. Sa femme et proche collaboratrice, Daisy Alice Spencer, le remplace à Fort George lorsqu’il doit s’absenter. Ensemble, ils ont traduit et publié plusieurs ouvrages en langue crie, ainsi qu’une partie de la Bible en inuktitut. La réputation du révérend Walton était telle que les Inuits voyageaient depuis la baie, voire le détroit d’Hudson, pour l’entendre prêcher ou recevoir de sa main le sacrement du baptême ou du mariage. Il a vécu 32 ans dans l’Arctique, où il a travaillé jusqu’à sa retraite en 1924.

[3] Terme désignant un ou une non autochtone. Le terme signifie littéralement « ceux qui soignent leurs sourcils »

[4] En fait, le révérend Peck avait déjà commencé à convertir des Inuits vers les années 1870 à Kuujjuarapik et surtout à Qilalugarsiuvik (Petite-rivière-à-la-Baleine), mais il se peut que les Inuits d’autres régions n’en aient pas été au courant.